Sambre, radioscopie d’un fait-divers, Alice Géraud.
Le livre de poche
« En ce début des années 2000, douze ans après la première série d’agressions à Maubeuge, la délinquance sexuelle est encore largement dans l’angle mort du récit médiatique. Sans que l’on sache qui de la source ou de la plume choisit de taire ces faits, ni d’ailleurs pour quelles raisons. «
Pendant 30 ans, un même homme a attaqué et agressé sexuellement plus d’une cinquantaine de femmes aux abords de la Sambre. Elles ont pour la plupart porté plainte, parfois à quelques jours d’intervalles, sans qu’il ne soit pourtant identifié et arrêté avant 2018.
Menant l’enquête en recueillant la parole des victimes et en s’attachant à analyser comment celle-ci a été traitée et surtout mal-traitée durant des décennies, l’autrice ausculte notre société et la très, très lente transformation de notre façon de penser et d’agir contre les violences sexuelles.
J’avais commencé par regarder la mini-série sur le même sujet crée par l’autrice et Marc Herpoux et réalisée par Jean-Xavier de Lestrade. J’en étais restée nauséeuse et glacée, tétanisée par la violence des faits soulignée par une réalisation hyper maîtrisée. J’ai voulu lire ce livre pour revenir au matériau premier – les propos tenus par les victimes – en me dégageant de l’impact lié au jeu des acteurs et à la mise en scène des épisodes.
J’ai donc eu la nausée à nouveau, cette fois-ci renforcée par le côté très dépouillé du texte qui souligne la répétition des faits, à un point qui confine à la folie collective. L’incapacité de toute une chaîne de personnes d’envisager que le criminel puisse être un « bon père de famille » est totalement angoissante.
Les stigmates des agressions sont toujours bien vivaces pour celles qui témoignent et il est à la fois terrible et réconfortant de voir combien le changement (et l’arrestation de cet homme) provient du courage et de la ténacité de quelques personnes.