La soustraction des possibles, Joseph Incardona.
« Tu sais quoi, René? J’ai décidé que ma seule patrie, le seul drapeau auquel faire allégeance est le pognon. Et quand il y a le pognon, on est tous copains, on n’est pas raciste ni rien. Il n’y a jamais de problèmes dans les hôtels cinq étoiles, jamais. T’as remarqué?«
Suisse, fin des années 80, l’argent circule, s’épanouit et – parfois – s’évapore.
Un prof de tennis auprès des gens aisés, gigolo expérimenté, se met à transporter des mallettes. Il fait la rencontre d’une jeune financière déjà experte en interprétation de la loi. Autour d’eux gravite une faune variée entre grands bourgeois carnassiers et séducteurs, truands de haute volée ou débutants et laissés pour compte brûlant d’un désir de revanche sociale.
Tout est là pour que le drame naisse, que la température monte, que le cœur des hommes soit mis à nu.
Ce livre m’a happée, bousculée, un peu écœurée aussi. L’écriture est nerveuse, très efficace et séduisante : elle colle le vertige. L’auteur-narrateur joue avec des incises et des commentaires qui cassent le rythme de lecture pour mieux le renforcer.
Je me suis sentie étrangère de ce monde de bout en bout, tout en reconnaissant sans hésiter les perceptions et sentiments des personnages. Je suis passée de la répugnance, à la colère puis l’incrédulité.
C’est peut-être cela qui m’a semblé le plus virtuose dans ce livre marquant : réussir à mêler ce qui me dégoûte (la vacuité et la fièvre consommatrice) avec ce qui m’émeut (la fragilité des sentiments et la volonté de grandir).
Livre lu dans le cadre du #grandprixdeslectriceselle2020