Vivre avec des épouvantails : le monde, les corps, la peur, Michel Agier.
« Dans l’intime, il y a cette gêne que tout le monde ressent et qu’en tant qu’anthropologue, je ne peux pas ne pas souligner : nos corps entravés doivent composer des mouvements et de torsions pour jouer un ballet étrange où l’on se rapproche tout en s’évitant, où l’on se parle tout en portant des masques (avec lesquels on peut aussi communiquer des messages non-verbaux), où l’on ne s’embrasse plus sauf avec les personnes avec lesquelles on vit, où l’on travaille avec des collègues alignés sur un écran, visibles ou parfois juste audibles. Que cela dure ou non, il en restera quelque chose qui a déjà changé nos sociabilités, qui renforce une certaine rétractation physique et un quant-à-soi individualiste.«
L’auteur – anthropologue intéressé par les populations précaires, l’exil et par les rituels visant à conserver l’identité ou en inventer de nouvelles – s’est peu à peu spécialisé sur la figure de l’étranger. Le confinement de Mars dernier l’a amené à réfléchir avec les outils de son métier et de façon personnelle à ce que perturbait cette crise sanitaire dans les échanges et rituels sociaux.
Observant ce qu’il se passait autour de lui, il s’interroge sur ce que l’incertitude et la peur du corps des autres est en train de produire dans nos relations intimes et sociales. Il considère également comment l’imaginaire nous permettra sans doute d’affronter les peurs fondamentales réactivées par la pandémie.
Ce texte passionnant et humble m’a énormément intéressée. C’est un exercice périlleux que de réfléchir et de partager sa réflexion en même temps que les événements se déroulent… J’ai trouvé beaucoup d’idées qui, sans forcément être nouvelles, m’ont permis d’ordonner ma pensée et de ne pas m’éparpiller dans un flux de bric et de broc où l’angoisse prend parfois le dessus. Une lecture salutaire !
Un grand merci @celine2405 (et donc aussi @jakutaalika 😉 que je ne connais pas) pour ce très bon conseil de lecture !