L’envers de la peau, Jeferson Tenorio.
Traduit du portugais (Brésil) par Emanuella Feix et Lara Bourdin.
Editions Mémoire d’encrier.
« Il faut préserve l’envers, me disais-tu. Préserver ce que personne ne voit. Tu sais, il ne faut pas longtemps avant que notre couleur de peau imprègne tout notre corps et détermine notre manière d’être dans le monde. Alors, même si ta vie est dominée par la couleur, même si tes attitudes et tes manières de vivre en dépendent, il faut que toi, d’une façon ou d’une autre, tu préserves quelque chose en toi qui n’entre pas dans ce jeu-là, tu comprends ? Parce que quelque part entre les muscles, les organes et les veines, il y a un endroit qui n’est rien qu’à toi, un endroit isolé et unique. C’est là que se trouve notre humanité, et c’est cette humanité qui nous maintient en vie.«
A Porto Alegre, un homme noir est tué par un homme blanc lors d’un contrôle de police. L’homme assassiné, professeur de littérature, était le père du narrateur qui s’attache à brosser son portrait pour le faire persister dans toute sa complexité et son identité. Son enfance pauvre, la violence familiale, l’injonction à se faire oublier pour ne pas paraître fautif ou menaçant par principe , les premières amours avec une jeune fille blanche et la brutalité des regards portés sur eux, le mariage tumultueux avec une jeune femme noire, l’enseignement et la littérature comme un bref répit dans une vie aux espoirs constamment déchiquetés …
J’ai trouvé ce livre magistral. Il m’a beaucoup ému bien sûr et je suis admirative de tout ce qu’il parvient à raconter, à révéler en finalement assez peu de de pages.
Le narrateur s’adresse directement à son père, le tutoie, le convoque autant qu’il l’invente.
C’est un récit à la fois très intime est très politique.