L’homme de Kiev, Bernard Malamud.
Traduit de l’anglais par Solange et Georges de Lalène.
« Son sort lui donnait la nausée. A peine échappé de la zone de résidence, il avait été pris au piège et jeté en prison. Depuis sa naissance, un cheval noir l’avait poursuivi : cauchemar juif. Qu’était un Juif sinon une perpétuelle malédiction ? Les Juifs, il en avait par-dessus la tête de leur histoire, de leur destin et de leur culpabilité »
Un artisan quitte son village pour s’arracher à sa misère et tenter de se construire une vie meilleure. Cet homme est malheureusement juif dans la Russie antisémite des pogroms et quitte son ghetto pour découvrir Kiev.
Secourant un ivrogne, il se voit offrir un emploi ainsi qu’un logement…tout cela car il fait le choix de tenir sa judaïté secrète. Très vite, tout se précipite et il est accusé d’avoir assassiné un enfant dans le cadre d’un « meurtre rituel », est emprisonné de façon arbitraire dans l’attente d’un éventuel procès.
A partir de là tout se déchaîne et le pauvre homme, qui se déclare pourtant apolitique et libre-penseur, va traverser toutes les humiliations et les injustices que son statut de juif rend acceptables à la bêtise populaire.
Ce texte est impressionnant et oppressant. L’histoire est non seulement très vraisemblable mais les descriptions des longs mois d’emprisonnement arbitraire, de la corruption du système judiciaire, de la folie que suscite l’isolement sont vivaces et éprouvantes. Le personnage incarne tout le malheur juif dans une sorte de parcours initiatique par la douleur : il restera longtemps imprimé dans mon cerveau.