Personne ne sort les fusils, Sandra Lucbert.
« La société, qu’on le veuille ou non, nous rentre dedans. Répétitivement, elle s’incruste, elle nous pioche, elle grave en nous ses marquages.«
De Mai à Juillet 2019 se tient le procès de France Telecom Orange dont les dirigeants sont accusés d’avoir organisé sciemment la maltraitance des salariés, les conduisant parfois à la mort. Le procès est public, les comptes-rendus accessibles.
L’auteure les a lu et a été saisie, glacée par le langage des accusés et de leur organisation : un langage froid, machinal où les individus n’existent plus en tant que tels. A ce premier choc s’ajoute la réalisation que le monde de la justice est également gangréné par ce langage qui chosifie les êtres.
Dans ce récit singulier, elle analyse cette novlangue qui tue; elle enrage et en souligne la violence en convoquant quelques textes littéraires puissants pour lutter contre.
Dès que ce livre est sorti j’ai voulu le lire car ce sujet me tient particulièrement à cœur : à la fois la vie de l’entreprise et l’usage oppressif du langage. J’ai beaucoup apprécié cette lecture dont je n’ai pas fini d’analyser la portée. Le texte est multiforme, il se bat mot à mot contre la dépossession de l’humanité par la langue « corporate ».
Je vous le conseille vivement.