Soucougnant, David Chariandy.
Traduit de l’anglais par Christine Raguet.
« Il y a longtemps qu’elle a commencé à oublier. Au début, avec des choses de tous les jours. Les listes de courses et les recettes, la monnaie pour le bus et les livrets d’épargne, les stylos pour oter toutes les tâches ménagères qui s’arrangent toujours pour disparaître. Seulement ensuite manman s’est mise à oublier de façon bien plus créative. Elle a commencé à oublier les noms et les lieux, les objectifs et le sens des choses. Elle a commencé à oublier les lois de la langue et les chemins du salut et les choses que l’on doit faire avec son corps. Elle a commencé à se soustraire au monde que nous connaissions.«
Un fils revient vers sa mère après deux ans d’éloignement alors que celle-ci vit ses derniers jours. Il renoue avec beaucoup d’émotions avec cette femme atteinte de démence sénile précoce et dont les lubies ont marqué sa vie d’adolescent. A force d’échanges improbables et souvent douloureux, il fouille le passé de cette jeune caribéenne émigrée au Canada et tente de mettre à jour l’histoire familiale.
Ce livre est marquant : il montre sans fard la perte de mémoire, le recours aux tout premiers souvenirs comme des histoires que l’on se répète pour affirmer que l’on existe encore, l’égarement dans les gestes du quotidien, la violence du racisme subie et transmise de génération en génération… mais aussi les chemins tortueux de l’amour filial, les connexions invisibles entre les cœurs.
J’avais beaucoup aimé 33 Tours qui m’avait offert @unlivrechacune , merci encore de m’avoir fait connaître cet auteur !