Deviens celle que tu es, Hedwig Dohm.
Traduit de l’allemand par Marie-France de Palacio.
Editions Corti
« L’injustice que l’on a commise à mon endroit, on l’a commise envers tout le monde. Ce qui en moi veut être délivré veut simultanément délivrer d’autres que moi. Empêche-t-on un arbre de croître, on tue aussi les fruits, on tue l’ombre qui aurait apporté de la fraîcheur aux autres.«
Agée d’une soixantaine d’année, Agnès Schmidt est internée dans un asile près de Berlin. Elle est plutôt séduisante et représente une énigme pour le médecin qui la suit depuis plusieurs années. Il ne comprend pas comment cette épouse et cette mère à la vie exemplaire a pu sombrer dans la folie. Sa patiente lui donne un jour son journal intime à lire et il bascule en nous emmenant avec lui de l’autre côté du miroir…
Comment la conscience de ce qu’elle est ou n’est pas est venue à cette femme, par quelles étapes de dessillement elle est passée, quelles joies et quel désespoir ont jalonné cette aventure terriblement audacieuse.
Mais quel bouquin ! Un immense merci @plaisirsacultiver pour avoir attiré mon attention sur ce court texte. Quand je pense qu’il a été écrit en 1894! J’en suis bouche bée.
J’ai trouvé tellement d’échos entre les histoires des femmes autour de moi et le cheminement d’Agnès qui s’aperçoit avec horreur qu’on a jamais vu en elle qu’une épouse et une mère et qu’elle a, elle-même, cru à cette histoire. Une fois veuve et ses filles devenues grandes, que reste-t-il d’elle que l’on regarde avec affection ou admiration ?
Elle tente de façon poignante de vivre enfin, s’émerveille de la beauté du monde qui l’ignore, rassemble ses idées et s’indigne autant qu’elle le peut.