La poésie de Jean Sénac

Un #lundipoésie algérien avec les textes de Jean Sénac, poète pied-noir homosexuel et militant pour l’indépendance algérienne. Très admiratif de René Char et Albert Camus mais aussi de Jean Genet, sa poésie est à la fois marquée par sa foi chrétienne, son attachement profond à une Algérie indépendante et sa sensualité.

J’ai découvert récemment ce poète à l’identité complexe et aux textes qui bataillent et cherchent la lumière. Je vous propose deux textes du recueil « Pour une terre possible » paru @editionspoints.

« Les mots roulent dans la chair
comme des galets bien ronds
comme des cris polis
une langue de fond

Tes mots sont des mots sans phrases
qui savent jouer à vivre

La mort a coupé le pain
dès qu’il est entre nos dents
sur les lignes de la main
les arbres tremblent d’oiseaux

Cœur plumier de l’arbre en fête
trait dans le cahier de ciel
les plus sages ont triché

Et maintenant je te parle
comme celui que l’on sait
ma mère une serpillière
le journal un oignon cru
sur ses lèvres la lumière
et mille saveurs sans goût

Et dans ses cheveux l’oiseau
qui fait son lit de misère
et le soleil qui tricote
un linceul de soie passée

Tes mots sont des mots de sang
pour la mère et pour l’enfant

Les mots droits qui se faufilent
entre les feuilles les mains
les mots proches éclatés
dans la gorge avant le cœur

Moi je les connais tes mots
lorsqu’on les fait trop parler
ils ont des sueurs d’homme
. »
.
Citoyens de laideur, 1972.
« Maudit trahi traqué
Je suis l’ordure de ce peuple
Le pédé l’étranger le pauvre le
Ferment de discorde et de subversion.
Chassé de tout lieu toute page
Où se trouve votre belle nation
Je suis sur vos langues l’écharde
Et la tumeur à vos talons ?
Je ne dors plus je traîne j’improvise de glanes
Un soleil de patience Ici
Fut un peuple là meurent
Courage et conscience. Le dire
Palais de stuc Jeunesse et Beauté à l’image
Des complexes touristiques. L’écrire
Dénoncer le bluff Pour que naisse
De tant de rats fuyants un homme
Risquer le poème et la mort.
«