Le plongeur, Stéphane Larue.

« Au bout de dix minutes de frottage et de décrassage, j’étais presque aussi trempé que si on m’avait enfermé dans un lave-auto en marche. Mes mains se ratatinaient déjà dans la gibelotte du dish pit, le bout de mes doigts était éraflé par la laine d’acier, mes bras s’enlisaient jusqu’aux coudes dans l’eau brune et graisseuse. La vapeur d’eau faisait coller sur mon visage les miettes de nourriture et les éclats d’aliments calcinés qui revolaient sous le jet du gun à plonge. Je comprenais peu à peu pourquoi Dave voulait se débarrasser de ce travail. Mais ça faisait mon affaire, de ne pas avoir le temps de penser à mes histoires. Les assiettes, les marmites et les poêles crasseuses ne cessaient de s’accumuler peu importe la vitesse à laquelle je les récurais. Tout ça m’occupait la tête. Étrangement, j’avais l’impression de reprendre le contrôle de ma vie. »

A Québec, un jeune homme que son addiction au jeu est en train de couler – il ne suit plus ses cours, multiplie les créanciers et s’isole inexorablement – se fait embaucher comme plongeur dans une trattoria. Ce travail épuisant et physique, l’adrénaline qu’il fait monter et le monde parallèle qu’il révèle seront la planche de salut qu’il n’espérait plus.

Ce bouquin m’a épuisée moi aussi… d’ailleurs je ne l’ai pas fini et me suis arrêtée au deux tiers. J’ai été assez vite embarquée dans la langue québécoise, singulière, truculente, ultra-réaliste et jouant du frangliche à tout va. Elle m’a demandé beaucoup de concentration (et des lectures à haute voix fréquentes pour m’y retrouver) mais j’y ai trouvé du plaisir et une grande vitalité.

L’univers des cuisines m’a lui aussi beaucoup plu. Je ne le connais pas et l’écriture de Stéphane Larue en retranscrit admirablement le bruit, les odeurs et l’énergie qui pulse lors du coup de feu. L’auteur en fait à la fois un lieu de vie, de survie et un des cercles de l’enfer de Dante. Les relations et les rapports de pouvoir dans les cuisines, la solidarité, les coups durs en font un lieu parfait pour ce roman d’apprentissage sous la houlette d’un mentor déjanté et exigeant.

Je crois aussi que je n’ai jamais découvert autant de nouveaux mots sur un même champ lexical dans un roman (sachant que Le pendule de Foucault d’Umberto Eco est pour moi le mètre-étalon mais qu’il touche de nombreux champs lexicaux). Par contre, et c’est bien dommage, je ne me suis vraiment pas intéressée à l’histoire de ce narrateur dont les errances m’ont laissée de marbre. Les scènes de jeu ne m’ont rien évoqué et je suis finalement restée à la porte de ce roman.

Lu dans le cadre du #prixmeilleurromanpoints @editionspoints