L’homme sans ombre, Joyce Carol Oates.

Traduit de l’anglais par Claude Seban.

« Pour cet homme au cerveau lésé, une grande partie de la vie ordinaire doit être chargée de mystère : où est-il ? Dans quel genre d’endroit ? Qui sont les gens qui l’entourent ? Au-delà de ces perplexités, le mystère plus immense encore de son existence même, de sa survie après une sorte de mort, trop profond pour qu’il s’y appesantisse. Avec une mémoire à court terme très limitée, l’amnésique ressemble à quelqu’un qui approcherait son visage d’un miroir jusqu’à le toucher : il ne peut pas « se voir».« 

Elihu Hoopes est devenu amnésique – il a perdu sa mémoire immédiate- après une méningite. Il est également devenu le patient/cas favori d’une petite communauté de spécialistes des neurosciences qui veille jalousement sur cet « apporteur » de découvertes. Parmi ces scientifiques, Margot Sharpe entretient des rapports singuliers avec lui – rapports évoluant au fil des 30 années que dureront leurs échanges.

On suit de façon répétitive et lancinante les tests que subit ce patient pour qui la vie est un éternel recommencement, on l’observe lutter pour conserver une maîtrise sociale, on plonge dans son désarroi entre souvenirs d’enfance perturbants et intuition d’être « utilisé » par la science… On suit également les convictions de la jeune scientifique, son total dévouement à sa carrière, sa solitude profonde et son glissement progressif vers des comportements pour le moins discutables son âge et sa relation avec son sujet évoluant.

Encore une fois JCO fait le portrait d’une femme brillante au cœur d’une communauté masculine et interroge la force des souvenirs (comme dans Mudwoman que j’ai énormément aimé). Je suis toujours bluffée par sa maîtrise dans la conception du roman et cette étrange distance qu’elle maintient grâce à son écriture, livrant une observation des comportements humains plutôt qu’une histoire.

Merci @un_bouquet_de_livres pour cette idée de lecture !