Retour à Birkenau, Ginette Kolinka avec Marion Ruggieri.
« La dernière fois que je suis retournée à Birkenau, c’était au printemps. Les champs se couvraient de fleurs, l’herbe était verte, le ciel limpide, on pouvait entendre les oiseaux chanter C’était beau. Comment puis-je employer un mot pareil ? Et pourtant, je l’ai dit ce mot, je l’ai pensé : « C’est beau ». »
Le court témoignage d’une rescapée des camps de 94 ans. Après s’être tue pendant 50 ans elle est progressivement intervenue auprès des écoles pour partager son histoire avant de la coucher sur le papier avec l’aide de Marion Ruggieri.
Son long silence est celui d’une grand partie des rescapés. Un silence lié à la fois à la pudeur, la honte pour certains, la difficulté pour trouver les mots, le fait qu’on ne leur pose pas de question et bien d’autres raisons encore. Ce court texte est poignant parce qu’il dit avec des mots simples, sans le bouclier de l’écriture, la perte en quelques minutes d’une humanité, l’enfer des camps et la difficulté d’en revenir.
Il m’a déstabilisée pour deux raisons. La première et la plus profonde c’est bien sûr l’horreur de cette expérience et en regard, l’angoisse des camps aujourd’hui au printemps – camps dont il semble qu’on pourrait facilement oublier l’existence si ces témoignages ne venaient pas en rappeler toute la brutalité.
La deuxième, et j’en ai été surprise, c’est que j’ai finalement lu beaucoup de textes sur les camps mais des textes équipés d’une force littéraire et nourri d’une réflexion philosophique (je pense à Jorge Semprun, Primo Levi ou Charlotte Delbo par exemple). Le témoignage sans façon et très oral de Ginette Kolinka m’a bouleversé par son dénuement. Il vient pour moi en contrepoint et en complément de textes produits par des intellectuels et contribue de façon également importante à la transmission de la mémoire.
Je vous conseille également d’aller écouter et regarder son témoignage sur le site memoiresdesdeportations.org C’est important.