Héritage et milieu, Vigdis Hjorth.
Traduit du norvégien par Hélène Hervieu.
Actes Sud
« Elle ne semblait pas comprendre ou ne voulait pas reconnaître que certains conflits ne se résolvaient pas de la manière qui lui aurait plu, qu’il est des contradictions qu’on ne peut pas lever, recouvrir de belles paroles, contourner, où il faut choisir son camp.«
Lorsque les parents d’une fratrie de quatre annoncent que seules les deux filles les plus jeunes hériteront des chalets familiaux, toutes les tensions familiales refont jour.
Pour Bergljot, qui a fait le choix de couper les ponts avec ses parents depuis près de vingt ans, les chalets n’ont qu’une importance relative. Ce que cette scission raconte est tout autre : il s’agit plutôt de clouer le bec aux enfants qui n’acceptent pas le récit familial imposé et la punir, elle particulièrement, de ne pas vouloir oublier ni taire son statut de victime d’inceste.
Quelle baffe que ce roman ! Le sujet bien sûr est essentiel mais c’est vraiment l’écriture qui m’a secouée, malmenée et passionnée.
Bergljot a une soixantaine d’années quand le récit commence et sa vie est toujours marquée par ce traumatisme. Elle est en lutte pour sa survie et se débat toujours contre le silence, le déni ou la bienveillance anesthésiante de son entourage.
Critique d’art et dramaturge reconnue, elle est soutenue par ses enfants, ses amies et son compagnon mais elle a peur de retomber dans une forme de folie si elle laisse cette répartition se faire sans rien dire.
Le texte oscille et vire comme elle, se répète en boucle pour ne pas perdre pied et surtout ne pas oublier, fait référence à des œuvres d’art qui la nourrissent, se fait froid et distant pour s’accorder un répit, repart en guerre avec une avalanche de mots, titube, demande le soutien et l’écoute pleine du lecteur.
Vraiment, un livre exceptionnel.
Merci @toutcequejaimais d’avoir attiré mon attention sur ce bouquin!