La position du mort flottant, Jim Harrison.

La position du mort flottant

Traduit de l’anglais par Brice Mathieussent.
Editions Héros Limite.

Hop un #lundipoésie sous l’égide du bookclub #cemoiscionlit d’@palir_au_soleil mené en juillet par @toutcequejaimais et dédié à Jim Harrison. J’aime beaucoup cet auteur et découvre ses derniers poèmes publiés.

A sept ans dans les bois
« Suis-je aussi vieux que je le suis ?
Peut-être pas. Le temps est un mystère
Qui peut nous renverser les quatre fers en l’air.
Hier, j’avais sept ans dans les bois,
un bandage sur l’œil aveugle,
un sac de couchage fabriqué par ma mère
pour que je puisse dormir en forêt
loin des gens. Une couleuvre a glissé
sans me remarquer. Une mésange
s’est posée sur mon orteil nu, si légère
que je n’y ai pas cru. La nuit
avait été longue, la cime des arbres
piquetée d’un milliard d’étoiles. Qui
étais-je, borgne sur le sol de la forêt,
qui étais-je à sept ans ? Soixante-huit ans
plus tard je peux toujours habiter le corps
de ce garçon sans penser au temps écoulé depuis.
Le fardeau de la vie, c’est d’avoir maints âges
sans voir la fin du temps. »

Soixante-quatorze
« Je ne peux pas avoir soixante-quatorze ans
C’est parfaitement impossible.
Vivrais-je une expérience proche de la mort ?
A l’aube d’innombrables strates de chants d’oiseaux
Venaient de plusieurs fourrés de saule
Et d’un martin-pêcheur irritable perché sur la ligne
Téléphonique au-dessus du ruisseau. Ils sont toujours
irritables d’après mon stock de souvenirs de ruisseaux,
Rivières, lacs. « Allez-vous en! Vous êtes chez moi! »
Hurlent-ils. Le martin-pêcheur vert du Mexique
Dit pareil. Quelle colère à l’aube!
En attendant soixante-quatorze années d’oiseaux
Ont passé. Bien sûr la plupart ont disparu
Et je ne devrais pas me plaindre de rejoindre
La fin de tout. J’ai autrefois vu un oiseau tomber mort
D’un arbre. Je l’ai touché, étonné par
La légèreté de ses plumes, qui lui permet de voler.
Je l’ai enterré, là où pas plus que nous
Il ne devrait reposer. Les oiseaux morts devraient être
Des monuments à jamais suspendus dans l’air. »